Balade parmi les caramboliers de Bac Biên

Situé en banlieue de Hanoi, le village de Bac Biên est réputé depuis longtemps pour la culture de ses caramboliers. Ses vergers sont disséminés le long du fleuve Rouge, nourris chaque année par ses débordements...

"Le pays natal, c'est la grappe de douces caramboles

Que je grimpe cueillir tous les jours..."

(Poème de Dô Trung Quân)

La carambole (qua khê en vietnamien) est un fruit tropical jaune très facilement reconnaissable à sa forme étoilée, due au fort développement de ses cinq côtes. C'est un fruit suave, dont la douceur légèrement acide restera toujours dans votre mémoire et qui vous rafraîchira pendant la chaleur de l'été.

Situé au pied du pont Long Biên (ancien pont Doumer), au bord du fleuve Rouge, dans le district de Gia Lâm, le village de Bac Biên reçoit chaque année les bienfaits des débordements du fleuve grossi par les pluies estivales. Les alluvions qui se déposent sont favorables aux milliers de pieds de caramboliers qui font la fierté du village.

Bac Biên est connu depuis longtemps pour ses caramboliers. C'est même considéré comme un métier traditionnel des villageois. Les vergers sont disséminés au bord même du fleuve Rouge et abritent sous leurs frondaisons des maisons basses à l'écart de l'agitation de la capitale, que l'on soupçonne de l'autre côté du large fleuve.

 

Un fruit aux multiples usages

Le carambolier donne des fruits presque toute l'année, sauf les 2e et 3e mois lunaires. Les arbres sont surtout chargés de fruits à l'approche du Têt traditionnel (vers le début février), ce qui tombe bien car la carambole est l'un des cinq fruits indispensables, à cette période, sur les autels des ancêtres. On offre aussi ce fruit lors des voeux du nouvel an, en souhaitant prospérité et bonheur. Vers le 1er et le 15e jour du mois lunaire, les femmes se rendent aux pagodes et temples pour déposer des offrandes de caramboles aux pieds de Bouddha et de diverses divinités locales.

Le fruit se mange cru, en salade par exemple, et ses tranches étoilées sont très décoratives sur un plat de légumes. Il est aussi consommé sous forme de pâté ou de soupe de poisson, de crevette, de crabe, de porc (la soupe est très désaltérante en été). La carambole se mange aussi séchée et sucrée, comme friandise. Enfin, on l'utilise dans la médecine traditionnelle, particulièrement contre la fièvre et le scorbut. Les feuilles pilées ou grillées servent aussi au traitement des démangeaisons et des éruptions cutanées causées par la laque.

 

 

À bonne carambole point besoin d'enseigne !

Des centaines de clients se rendent chaque jour à Bac Biên pour acheter des caramboles, qui finissent sur les tables des restaurants ou des hôtels, sur les étals des marchés ou dans les paniers en bambou tressé des colporteurs. Certains en envoient même à leurs proches vivant à l'étranger pour leur rappeler les douces fragrances du pays natal !

La culture des caramboles enrichit Bac Biên. "Chaque année, nous gagnons environ 10 millions de dôngs grâce à notre verger", témoignent Phu et Hai, un couple de villageois fiers de leur jardin de caramboliers, paraît-il le plus grand du village. Ils écoulent chaque année environ 2 tonnes de fruits et expliquent que les soins aux caramboliers ne sont pas trop pénibles et font la joie de leur famille.

"Comme l'homme, l'arbre a besoin aussi d'une certaine attention. Il faut poser des tuteurs lorsque la plante est encore fragile. Il faut aussi arroser tous les jours et enfumer une à deux fois par semaine. Sans oublier d'ébrancher et de pincer les cimes lorsque l'arbre est mâture", confie Mme Hai. Son mari est ouvrier et elle reste à la maison soigner les arbres avec ses deux enfants. Ces fruits étoilés rapportent à son foyer suffisamment de quoi vivre.

Le goût d'une carambole dépend de sa variété et de son terroir. Celle de Bac Biên est typique paraît-il. Fidèle à l'adage "A bon vin point besoin d'enseigne", les villageois ne font pas de publicité pour écouler leur production. Ce n'est pas nécessaire...

Mais, comme partout en banlieue de Hanoi, la spéculation immobilière va bon train, l'urbanisation gagne et grignote les terres agricoles. Espérons que les vergers de caramboliers de Bac Biên ne finirons pas sous le bitume !

 

(Giang Ngân / Extrait du Courrier du Viet Nam 14 mai 2004)