SOUVENIRS, SOUVENIRS… Voilà les premiers frimas et après les fêtes de fin d’année, les guirlandes étoilées qui brillaient de mille feux dans toutes les rues lyonnaises se sont éteintes. La vie semble reprendre tranquillement son cours… L’étranger a levé les yeux et il a regardé tout cela quelque peu ébloui par tant de lumières, mais son cœur restait sans émotion : aucun sentiment ne l’a saisi… Dans sa mémoire, ce sont d’autres images qui se bousculaient. Et, tout à coup, il s’est revu petit enfant vivant d’autres fêtes. Au petit matin du Jour de l’An, on le réveille en douceur : c’est sa maman qui lui offre le premier sourire en ce jour qui prédétermine toute une année et les choses se doivent d’être douces et belles.On l’habille de neuf, ou du moins de propre, pour fêter le renouveau qui,- il en est encore tout émerveillé- a commencé la veille à minuit…Le premier signe de départ des festivités, ce sont les chapelets de pétards qui pendent des maisons, que l’on fait exploser pratiquement tous en même temps pour accueillir la Nouvelle Année dans un vacarme assourdissant. Ainsi, tous les seuils d’entrée sont jonchés de pétards éventrés, de couleur rouge rosé, qu’on n’enlève surtout pas. Tout d’abord, parce que c’est joli, et il est de coutume de ne pas balayer sa maison pour ne rien jeter ni gaspiller ! En cette occasion, les Dieux du foyer sont partis faire leur rapport à l’Empereur de Jade et les esprits malins en profitent pour venir s’installer chez nous. Il va falloir les chasser de là ! Des troupes de danseurs entraînés vont se présenter un peu partout devant nos maisons pour exécuter cette célèbre danse de la Licorne au son des tambours, qui est censée chasser les mauvais esprits et apporter le bonheur et la chance pour l’année entière. Au milieu du crépitement des pétards et des roulements de tambours, je regarde la Licorne grimper vers l’enveloppe rouge accrochée au balcon, but ultime de tous les efforts : la récompense est dans cette enveloppe. Après un dernier salut et un roulement saccadé de tambour, la Licorne nous tire sa révérence. Alors, chaque foyer pense aux visites à faire ou aux gens à recevoir avec cette pointe d’impatience et d’espoir d’accueillir ce premier visiteur qui pourra lui apporter la chance indispensable pour toute l’année. Quelquefois, pour éviter un visiteur porteur de malchance, le chef de famille se met en habits traditionnels, sort de la maison et rentre chez lui pour être le premier à pénétrer sur sa terre. Il garantit ainsi la pérennité habituelle. Dehors, aux coins des rues, se sont installés une myriade de jeux populaires. Et, pendant au moins trois jours, les étrennes vont servir de mise aux enfants que ces jeux attirent. C’est aussi pour le peuple l’occasion d’oublier temporairement ses petits problèmes. A l’intérieur de chaque maison, tout a été nettoyé et briqué.C’est la fête et aucun membre de la famille ne doit perturber la sérénité de ces trois jours. Quel bonheur de respirer le parfum des fleurs, d’admirer les branches de pêchers et de mandariniers au milieu de l’odeur des bâtons d’encens qui brûlent sur l’autel des ancêtres ! Celui-ci, pour la circonstance, a été rénové pour accueillir un plateau de victuailles, car la famille doit se souvenir des anciens. Quelle que soit son obédience religieuse, le Viêtnamien n’oubliera pas le culte des ancêtres. Ce Têt, que la communauté asiatique fête tous les ans fin janvier ou début février, aura lieu cette année le mercredi 9 février 2005. Et si vous avez le temps ou, comme moi, la nostalgie des traditions du pays, allez vous promener dans le Chinatown de Lyon et, au détour des rues Passet, Pasteur ou de Marseille, vous tomberez peut-être sous le charme des sourires d’Asie ou des arabesques des danseurs de la Licorne devant des magasins remplis de bonnes choses sous les lampions rouges du Têt AT DAU. Pour revivre un instant ces traditions séculaires, je vous invite au quartier chinois et là, les yeux mi-clos, laissez vous entraîner par les odeurs et les bruits vers un retour aux sources plein de rêves et d’amour. Je compte sur vous et vous y attends. Ne ratez pas l’occasion : l’Année du COQ est là ! Jean-Pierre Nghi
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